Adrien Messié et Erwan Le Louër, créateurs de la marque Le Gramme

Paris, Septembre 2017

Pétillant duo à la tête de la chic et minimale marque pour homme Le Gramme, Adrien Messié et Erwan Le Louër ont plus d'un tour dans leur sac. Ancien collaborateur de la célèbre architecte d’intérieur Andrée Putman pour l'un, designer-joaillier à succès pour l'autre, les deux compères ont aujourd'hui pris leurs quartiers à quelques pas du monumental Centre Georges-Pompidou, au cœur du Marais parisien pour y établir le showroom de leur marque. Discussion inspirée autour de leur ligne de bracelets, d'anneaux et de petits objets fonctionnels en métaux précieux...

Pouvez-vous nous présenter Le Gramme en quelques mots ?

Adrien : Le Gramme est un projet créatif autour de l'objet nommé par son poids en grammes, une marque lifestyle qui propose des formes élémentaires déclinées en différentes largeurs, différentes proportions et donc différents poids en grammes.

D'où vous vient ce goût pour l'objet ?

Adrien : Sûrement de notre background en architecture et en design. Ce qui nous plaît dans l'objet, c'est le fait qu'il existe par lui-même, qu'il ne soit pas un accessoire qui va venir orner ou ornementer une tenue mais aussi le fait qu'il soit unisexe. Nous avons lancé une marque pour homme, mais nous réalisons 40% de notre chiffre d'affaire auprès des femmes sensibles à nos objets, qui achètent pour elles-même ou pour en faire un cadeau.

Comment s'organise votre gamme ?

Adrien : Nous proposons des objets portés - bracelets, anneaux - mais aussi des objets fonctionnels en argent comme des réglets ou des porte-clefs (sortie prévue en octobre 2017 ndlr). Nos variations sont le résultat d’une équation précise entre une forme élémentaire, un matériau noble - argent 925 ou or 18 carats -, une empreinte - lisse, gravée, guillochée – et une finition - polie, mate ou brossée.

Adrien, certains des bracelets que tu portes sont gravés, d'autres affichent des pierres incrustées. Le client peut-il personnaliser son modèle ?

Adrien : Oui tout à fait. Nous proposons un service de personnalisation sur l’ensemble de nos objets, nos clients ont le choix entre une gravure laser classique, une calligraphie réalisée par le calligraphe Nicolas Ouchenir et très prochainement une personnalisation dans la plus pure tradition, à la main, par un artisan graveur. Concernant les incrustations, sertissages et autres ornementations, le client est invité à prendre rendez-vous ici, au showroom, afin de choisir et de faire réaliser son objet.

Comment est née l'idée de lancer Le Gramme ?

Adrien : Lorsqu'on s'est rencontrés, en juin 2012, j'avais en tête cette idée de rubans déclinés dans différentes largeurs. Erwan avait quant à lui monté sa marque de joaillerie JEM tout en s'occupant de la licence bijoux Margiela. De nos passions communes pour l'architecture et le design, nous avons commencé à imaginer ce projet ensemble. Nous l'avons lancé en septembre de la même année et la marque a vu le jour en janvier 2013.

Pourquoi avoir lancé une marque à destination des hommes ? Pour palier à un manque sur le marché, satisfaire une envie personnelle ?

Adrien : C'était un peu tout ça à la fois, un mélange de feeling et de rationalité du marché qu'on a su écouter. Une marque pour homme car on aime imaginer des choses qu'on pourrait porter. Lorsque nous avons lancé la marque, la collection se composait de 5 bracelets, les « empreintes intemporelles » de 7, 15, 21, 33 et 41 grammes, uniquement proposés dans une finition polie. Plus tard se sont rajoutés la finition brossée, l'argent noir, les anneaux... On s'est rendu compte que les acheteurs des boutiques tout comme les clients avaient besoin d'une offre facilement lisible.

Etait-ce une entreprise risquée à l'époque ?

Adrien : Oui, c'était un vrai pari. On a lancé la marque pour voir, car finalement, c'était le seul moyen de vérifier qu'on ne se trompait pas. Rapidement, on a eu 10 points de vente prestigieux à travers le monde dès la première saison - Colette à Paris, Super A Market à Tokyo, Gago à Aix-en-Provence ou Opening Ceremony à New-York. Aujourd’hui, on est dans une centaine de boutiques dans un peu plus de 20 pays.

Où et comment sont fabriqués les bijoux Le Gramme ?

Adrien : Nos objets paraissent très simples alors qu’ils sont très complexes à produire. Ils sont le point de rencontre entre une précision industrielle et l'œil de l’artisan. L’ensemble de nos objets est fabriqué en France, tout comme notre univers de présentation. Nos collections sont ainsi présentées enchâssées dans des matériaux dédiés : du Corian blanc pour l’argent 925 et du marbre noir Marquinia pour l’or 18 carats.

Quel type d'homme ciblez-vous avec Le Gramme ?

Erwan : Nos cibles sont des esthètes avant tout. Le Gramme s'adresse à des hommes qui sont sensibles aux objets, aux accessoires mais aussi à ceux qui ne sont pas encore accessoirisés. L'esthétique minimale de la marque permet à ces derniers de sauter le pas et ainsi de commencer à porter des bijoux.

Vous avez récemment lancé Le Milligramme, votre ligne enfant. Vous nous en parlez ?

Adrien : Le Milligramme est un peu arrivé par « accident ». Pour la petite histoire, Erwan attendait son premier fils, Marlon, il m'a proposé d'en être le parrain, et j'ai développé en secret un petit bracelet pour l'occasion. C'est devenu Le Milligramme, un parfait cadeau de naissance. Pour l'instant, il existe uniquement en argent 925 en version 5 et 9 grammes - l'équivalent du 7 et 15 grammes chez l'adulte.
Erwan : C'est étrange, car offrir un bijou de naissance est une tradition française très répandue, et il y a une vraie pénurie quand il s'agit d'offrir un joli cadeau de naissance un peu cool. Avec Le Milligramme, le rapport au bébé est très personnel car on y retrouve, gravé, son poids en gramme à sa naissance.

A terme, comment voyez-vous évoluer la marque ?

Adrien : Nous aimons les objets au sens large, les formes élémentaires, l’épure et le travail bien exécuté. Le champ des possibles est donc vaste : de nouvelles familles de bijoux, d’autres univers d’objets fonctionnels comme celui de l’écriture sont à explorer.

Finalement, vous vous positionnez dans l'univers de l'orfèvrerie version contemporaine ?

Adrien : Merci, oui, exactement ! Si un jour on voulait nous comparer à Puiforcat, je crois que l'on serait les plus heureux (rires).

Adrien, tu as fait tes classes auprès de la célèbre architecte designer Andrée Putman. Est-ce que l'univers du bijou t'est apparu comme une évidence, ou bien le grand écart a-t-il été radical ?

Adrien : Il faut savoir que lorsqu'Andrée s'exprimait dans la décoration, elle imaginait de grandes familles. Dans chacune d'entre elles se retrouvaient différents objets qui se répondaient, formant une unité éclectique. Le Gramme est basé autour de cette réflexion. Nos objets sont presque des « non dessins », des formes élémentaires que nous n'avons pas inventées mais que l'on s'efforce de bien maîtriser. Le fait d’avoir infusé pendant 7 ans auprès d’Andrée Putman et de son équipe m’a permis d’imaginer presque naturellement nos collections et leur display, en jouant avec les matériaux, les textures, les proportions…

Erwan, tu as de ton côté lancé la marque de bijoux JEM ainsi que la licence de joaillerie Margiela ligne 12. Avec Le Gramme, ta patte minimale se dessine une fois de plus...

Erwan : Avec Adrien, nous avons le même goût pour le minimalisme et les lignes tendues qui nous vient probablement de l'architecture et de la culture nippone qui nous inspire. Durant mes études en design industriel, on m'a toujours appris la notion réelle du design, mélange entre l'ergonomie, le sens de l'objet et son esthétisme. Je suis personnellement très réfractaire à l'esthétisme gratuit, et ce qui me plaît énormément dans Le Gramme est cette absence de dessin. C'est une fierté car cela aboutit à un produit atemporel, on pourrait même parler de transmission grâce aux matériaux nobles. Le mariage contrasté entre la façon radicale et moderne dont on présente nos objets et leur valeur sentimentale transmissible est intéressante selon moi.

Qui sont vos icônes, vos maîtres à penser, à créer ?

Adrien : Andrée Putman évidemment, mais aussi d’autres personnalités à l’esprit épuré comme Carlo Scarpa, Donald Judd, ou François Morellet ; je pense aussi au designer Martin Szekely qui résume tout avec le nom de son exposition à Beaubourg en 2012 : « Ne plus dessiner »...


Erwan : Oui, il y a aussi John Pawson en architecture avec ses lignes tendues et sèches ; Vincent Van Duysen ou Joseph Dirand dans le domaine de l'architecture d’intérieur, ou encore la peintre canadienne Agnès Martin.

Côté décoration maintenant, comment avez-vous conçu votre showroom parisien ?

Adrien : C'est nous qui avons imaginé l'espace ainsi que tout les meubles en bois fabriqués sur-mesure. Côté mobilier, nous sommes principalement équipés de meubles USM Haller qui sont, selon nous, comparables aux objets Le Gramme : des formes élémentaires simples, déclinées dans différents modules, couleurs et fonctions. Entre Le Gramme, la marque de baskets Common Projects dont on est fan et USM, il y a vraiment une frontière ténue. Ce sont des meubles fonctionnels avant tout, aux lignes si simples qu'ils en deviennent iconiques.

Des lignes pures servant un usage essentiel : c'est vrai que la direction commune entre Le Gramme et USM est évidente...

Adrien : Oui, et lorsque l'on s'intéresse à l'histoire d'USM, on note que la marque a toujours proposé le même module. Cette gamme fonctionne encore parfaitement aujourd'hui, c'est devenu une véritable référence. J'aime à croire que Le Gramme tend vers un avenir similaire, qu'on vendra toujours des bracelets 21 grammes polis dans des dizaines d'années et que nos petits enfants diront « tu vois, ce bracelet, c'est mon grand-père qui l'a créé ». Ce serait génial...

Nous remercions chaleureusement Adrien Messié, Erwan Le Louër et toute la joyeuse équipe de Le Gramme pour leur accueil. Ce portrait a été produit par le magazine international Freunde von Freunden.